Stratégie Prothétique
Julien MONTENERO, le garde-corps
par Alban GUILON
Nous échangions depuis dix bonnes minutes quand le téléphone de Julien Montenero a vibré. Au bout du fil, un copain qui se trouve en train de siroter un café avec une chirurgienne-dentiste qu’il faudrait « absolument » qu’il rencontre dans le cadre de son travail. Si monsieur est tant sollicité, c’est qu’il exerce un métier pas banal : prothésiste-épisthésiste.
Dit autrement, il permet à ses patients de se sentir à nouveau en harmonie avec leur silhouette. Le Niçois de 45 ans s’appuie sur la technologie 3D pour recréer la partie du corps que des maladies ou des accidents de la vie ont abimée.
« Lorsque quelqu’un vient me voir, ce n’est pas un rendez-vous comme un autre… »
Le jour de notre rencontre, dans son atelier caché dans une cour du 17e arrondissement de Paris, nous sommes ainsi tombés sur une prothèse orbito‑nasal‑jugale, sur trois ou quatre oreilles, sur un sein. Et puis « là‑bas, au fond », c’est un nez.
Assis sur son tabouret, les mains sur la table de travail, il décrit, placide et studieux, sa méthode.
« L’idée, dit-il, c’est de remplacer la partie manquante à l’identique. Alors, avant l’opération, une mastectomie par exemple, je prends les mesures en 3D du sein de la femme. Ensuite, à moi de me rapprocher du mieux possible de la couleur, de la forme, de la densité, de la texture, et même des défauts ou des imperfections pour recréer une copie conforme. Et si l’opération a déjà eu lieu, à moi d’être le plus près possible de la réalité. »
Pour y parvenir, Julien Montenero utilise des scanners faciaux, ou encore des imprimantes 3D. « On peut tout numériser au préalable », se félicite-t-il. Il peut aussi, parfois, s’appuyer sur des photos. Et le résultat est bluffant : les yeux sur son écran d’ordinateur, il fait défiler quelques-unes de ses réalisations. Défi lancé à quiconque de distinguer le vrai du faux. « C’est comme une œuvre d’art, lâche-t-il, ému. On parle là de reconstructions complexes, ce n’est pas rien. »
Passé les imposantes machines, les câbles en pagaille et le fauteuil de dentiste, ça respire l’humain dans le laboratoire de Julien Montenero.
« Lorsque quelqu’un vient me voir, ce n’est pas un rendez-vous comme un autre, commence-t-il par dire. J’ai besoin de savoir qui est la personne pour comprendre ce que je dois faire, pour pouvoir donner le meilleur de moi dans la prothèse qui lui appartiendra ensuite. Alors, au début, on passe du temps à discuter, ils me racontent leurs histoires, je les écoute, je les interroge. »